Comment développer l’attractivité du métier, renforcer la fidélisation des salariés lorsqu’on est artisan en boucherie-charcuterie-traiteur ? Pour répondre à cet enjeu, notre cabinet a développé avec la fédération BCT de la Moselle une action collective s’appuyant en particulier sur une enquête de terrain auprès de 3 artisans. En voici de brefs récits.

1er récit : Faire vivre la tradition et développer la clientèle

Une redoutable organisation de plus de 20 professionnels que son patron a à cœur de coordonner et d’animer au quotidien, toujours proche de ses collaborateurs, téléphone à la main avec ses fournisseurs et ses clients. Car le succès de cette grande maison tient dans un double objectif : le respect strict des savoir-faire du métier et une production en quantité.

Ici, le métier de boucher-charcutier-traiteur se transmet, mais surtout se renforce et se déploie au quotidien par de nouveaux recrutements. Installée depuis 1979, la boucherie familiale s’est développée au fil de trois générations. Elle est maintenant implantée dans une vaste installation moderne et fonctionnelle. Des équipes, chacune spécialisée, assurent chaque matin le désossage des carcasses spécialement sélectionnées, la transformation charcutière selon les besoins, les préparations traiteur au fil des saisons et la vente au comptoir ou en livraison.

Pour réussir croissance et qualité, la transmission des gestes de métier se fait par un réel engagement en faveur des apprentis. Ils et elles préparent un CAP charcutier-traiteur au CFA de Metz ou de Thionville, un brevet professionnel boucher ou un certificat de spécialisation de vente conseil en boucherie… Ainsi se côtoient dans le laboratoire, à l’arrière-boutique ou à l’étal, salariés expérimentés et apprentis aux profils complémentaires.

Un travail qui a du sens

Saviez-vous que la profession suscite des reconversions ? Depuis quelques années, de nouveaux profils sont recrutés et apprennent le métier. Chez cet artisan par exemple, entre les préparations culinaires et l’arrière-boutique, Vivian, 41 ans, apprend depuis quelques mois les gestes de métier. Insatisfait de son poste précédant derrière un bureau, il aspire aujourd’hui à travailler avec sa tête et ses mains, préparer de beaux et bons produits, se sentir utile. Le sens positif donné à son travail, vient aussi du goût d’apprendre pour soi-même et se redonner de la valeur.

Des conditions de travail attractives

L’établissement, comme beaucoup de bouchers-charcutiers-traiteurs, mise sur de bons atouts pour développer son attractivité. Le travail est aujourd’hui moins physique, car comme des confrères en Moselle, il investit régulièrement dans du matériel de manutention adapté. Au désossage par exemple, les carcasses sont accrochées sur rail, supprimant ainsi des manutentions risquées entre le frigo et la table de découpe. Un atout appréciable, surtout lorsqu’on est boucher expérimenté et désireux de préserver son dos jusqu’à la fin de sa carrière.

 

2ème récit : Le métier, un savoir-faire à entretenir et transmettre

Derrière cette autre devanture, la transmission fait partie du métier. Les affaires familiales ne sont pas toujours un long fleuve tranquille mais le père et patron, maintenant à quelques mois de la retraite, a su consolider au fil des années la tradition bouchère et charcutière. Maître boucher, il enseigne au CFA, obtient l’agrément sanitaire pour le périscolaire, s’engage à de multiples occasions pour valoriser la profession et la qualité de ses produits.

Les nombreux prix aux concours, les avis élogieux et la fidélisation de la clientèle sont la juste reconnaissance de cet engagement. Cette réussite s’appuie aussi sur une belle équipe de dix professionnels. Elle ou il est boucher, cuisinier, plongeuse, vendeuse, gestionnaire, livreur… qualifié ou peu qualifié, chacun tenant à sa juste place un rôle coordonné. Un lieu aussi pour acquérir les savoir-faire : deux jeunes apprennent le métier en alternance, dont une jeune femme charcutière.

Le fils est maintenant à la reprise. Il est ainsi la 5ème génération dans l’affaire familiale commencée en 1904 en Alsace bossue. Il complète sa formation de boucher par un CAP charcutier-traiteur. Ce qui l’intéresse maintenant, c’est de créer une nouvelle identité associée au nom, alliant modernité et tradition, et de renforcer la gamme des produits. Il teste de nouvelles recettes, y compris sucrées, et ouvre un second point de vente en périphérie de la ville ciblant ainsi un nouveau public.

Une équipe soudée

Un des points forts remonté par l’équipe et ses dirigeants est la solidarité et le soutien. On se serre les coudes ! Un rôle attribué à chacun n’empêche pas de se donner un coup de main au moment nécessaire, pour finir une préparation, lorsque les clients affluent au comptoir ou lorsque l’heure de la livraison d’une commande traiteur approche ! Travailler au sein d’une équipe soudée, c’est une vraie ressource à la fois pour le mental et pour prévenir la fatigue.

Des vendeuses indispensables et responsables

Le second point de vente récemment ouvert en périphérie de la ville s’adresse à une clientèle différente de celle du centre-ville. L’espace est large, l’offre évolue, et les conseils de Claudine, la vendeuse responsable de ce point, sont précieux. Un mot personnalisé, elle conseille. La satisfaction du client passe par la qualité du produit mais aussi la qualité de la relation. Ainsi, la réputation des boucheries-charcuteries se forge aussi par l’implication et le professionnalisme de leurs vendeuses.

 

3ème récit : Pas à pas, de la reprise aux projets à long terme

Ce matin tôt de novembre, avant que 6 heures ne sonnent, Maxence, Lucie et Antoine, ont déjà passé la porte arrière du laboratoire de la boucherie-charcuterie. Les trois apprentis de cette boucherie de village abordent la journée de travail telle une équipe bien rodée. Quelques consignes du patron sur les produits du jour et une commande particulière, et chacun se met à l’œuvre. Ils n’ont pourtant que peu de mois de travail en commun, mais leurs activités se synchronisent. Maxence à la confection des boudins, Lucie à la préparation des pâtés et Antoine au désossage d’une carcasse de cochon.

C’est avec un regard exigeant mais bienveillant que le maître d’apprentissage et patron conduit sa petite équipe. A leur côté, il montre le geste professionnel, explique la manière de s’y prendre puis passe le couteau. Après quelques essais plus ou moins réussis, il corrige, conseille… et l’autonomie prend place. Car pour le patron, la transmission des savoir-faire à sa jeune équipe est l’une des conditions pour faire vivre la boutique et proposer des produits de belle qualité.

Au magasin, c’est Cybile qui est à l’œuvre, bien avant que le premier client ne passe la porte. Elle s’assure d’une parfaite hygiène de sa vitrine, rafraîchi les coupes, dispose habillement les produits et valorise les plus beaux d’entre eux. A 8 heures, à peine le store levé, elle adresse un « Bonjour madame Lang ! » et un petit mot sympathique à sa première cliente. Cybile est une solide professionnelle de la vente. Assurant auparavant des responsabilités en grande distribution, elle a retrouvé ici des conditions d’emploi plus sereines et mieux adaptées à sa vie familiale.

Investir pour se faciliter la vie

Passée une reprise tendue sur le plan économique, le jeune patron se projette. Au cœur du village, il est conscient que le laboratoire a progressivement pris des mètres carrés dans l’ancienne maison d’habitation, mais mérite maintenant d’être repensé. Il vise un équipement moderne, plus accessible et visible, sur un espace fonctionnel. Ce qui est en jeu : une meilleure sécurité, moins de manutentions, plus d’efficacité en production.

Les femmes, utiles à la réussite de l’affaire

Comme pour de nombreuses boucheries-charcuteries-traiteurs, les femmes sont souvent moins visibles mais néanmoins essentielles. Ici en zone rurale, c’est par exemple Valérie, épouse du patron, qui assure de précieux rôles. Elle est à la gestion des achats, du personnel, des commandes… mais aussi souvent derrière le comptoir à la vente, ce qui lui permet d’entretenir une relation client et de mieux appréhender leurs attentes.

 

Mais qui sont les salariés des boucheries-charcuteries-traiteurs ?

Réussir une action visant l’attractivité et la fidélisation, c’est déjà reconnaître la diversité des profils et la diversité des relations au métier et au parcours d’emploi. De manière simplifiée, voici qui nous avons rencontré…

Théo, reprendre pied par un métier

Parcours L’école a souvent été un moment difficile pour Théo « J’ai jamais été intéressé, au collège j’ai décroché ». Après de multiples échecs, il met, à 16 ans, un premier pied dans la profession, sans conviction. Aujourd’hui, en 2e année boucher au CFA de Forbach, il sait qu’il fera carrière dans un métier qui lui plaît. Il aimerait même aller plus loin, se former à la vente et se payer son permis de conduire.

Aspirations Une relation solide s’est construite entre Théo et Jean-René, son patron et maître d’apprentissage. Dans cette petite boucherie de l’Est mosellan, Jean-René lui a fait confiance dès le départ. Il a pourtant fallu se discipliner pour les horaires et l’hygiène, mais Théo a progressivement trouvé de l’intérêt à réaliser des découpes, des recettes charcutières de plus en plus complexes… Aujourd’hui, c’est avec un peu de timidité mais avec fierté qu’il aborde des clients pour des préparations à la demande.

Ghislain boucher, une évidence

Parcours C’est tout petit déjà que son oncle l’emmenait aux champignons, puis adolescent aux matinées de chasse, y compris au gros gibier. Le métier de boucher l’a toujours intéressé, c’est donc sans surprise qu’il trouve à 16 ans un maître d’apprentissage et intègre le CFA de Thionville. Aujourd’hui en brevet professionnel, Ghislain vise des responsabilités. Au côté de son patron, il structure et anime très bientôt un nouvel espace de vente en galerie marchande.

Aspirations Le travail de la viande et plus généralement les métiers de bouche ont toujours été inspirés par les personnages de sa vie à la campagne. Ce qu’il a apprécié chez son premier patron, c’est la qualité des apprentissages et les savoir-faire de la boucherie-charcuterie traditionnelle. L’effort ne lui fait pas peur, la prise de risque non plus. C’est pour cela qu’il a changé pour un employeur lui offrant des responsabilités accrues.

Juliane, charcutière-traiteur ambitieuse

Parcours Après s’être laissée portée par un Bac trop généraliste et quelques mois de doutes, Juliane a fait le pari du métier de charcutier-traiteur. Elle obtient avec succès son CAP et, encouragée par une très belle 3è place au concours des meilleurs apprentis de France, elle est maintenant dans la seconde année de son brevet professionnel. Elle est la fierté de cette boucherie thionvilloise qui a su lui faire confiance et l’a soutenue dans son parcours.

Aspirations Juliane a toujours eu un goût pour la cuisine, le plaisir d’être ensemble à table pour partager les préparations familiales. Choisir un métier de bouche n’a pas été évident, car son entourage l’a peu encouragée. Quelques années après, elle ne regrette pas son choix. Elle prend plaisir aux transformations charcutières traditionnelles… et va plus loin. Elle exécute avec talent une large gamme de pâtés en croûte. Richelieu, poulet-citron-estragon, au boudin noir ou traditionnel, ses œuvres sont mises en valeur en vitrine. Elle s’amuse parfois de la surprise de clients lorsqu’ils apprennent qui en est l’artisan !

Plus que vendeuse, Ophélia est conseillère

Parcours Ses premières années en vente dans une grande enseigne de l’habillement ont été une première expérience intéressante. Puis Ophélia a cherché un emploi avec un contact client plus fort, et c’est assez naturellement qu’elle a intégré à 21 ans la boucherie du centre de Montigny-Lès-Metz. Elle passe avec succès son certificat de spécialisation vente conseil en boucherie au CFA de Metz, et conjugue ainsi son expérience de vente avec une bonne connaissance des viandes, produits charcutiers et propositions traiteur.

Aspirations A 7h15 chaque matin, Ophélia s’affaire à composer un étal du meilleur niveau. Elle s’assure que chaque produit soit valorisé, selon les saisons, réserve une juste place pour la promotion du jour, étiquette, ajoute une touche de couleur avec quelque légume tranché… Son étal est impeccable et donne envie de s’y attarder. Ce qu’elle aime, c’est lever de rideau pour recevoir chaque client de manière personnalisée. Satisfaction devant le comptoir et bon chiffre d’affaires font sens pour elle et toute l’équipe.

Malik, une reconversion salutaire

Parcours Il avait pourtant tenu avec succès son premier emploi dans la vente de produits d’entretien industriels. Mais lassé par les kilomètres de voiture et la routine, Malik a fait le choix radical d’une autre carrière. A 31 ans, il tape à la porte de la maison « L’Angus », spécialisée dans les meilleures viandes et les préparations traiteur. Après quelques mois d’adaptation à la culture du métier, il termine maintenant son CAP boucher, et vise, un peu plus tard, à ouvrir sa propre affaire.

Aspirations Malik est un battant et aime l’initiative. Entrer dans le métier de boucher faisait partie de ces défis qu’il relève : changer d’environnement, découvrir de nouvelles relations, apprendre avec sa tête et ses mains, toujours avec le goût du travail bien fait. C’est aussi la création qui le motive. Il teste avec ses collègues de nouvelles préparations traiteur. Derrière le comptoir moderne et largement ouvert sur l’arrière-boutique, il se redonne goût au contact avec les clients.