Le numérique bouleverse le monde du travail, et pas uniquement par la nouvelle économie numérique. Les activités industrielles, culturelles, de santé et de l’énergie… toutes sont impactées. Quels sont les enjeux et quels axes de travail ? Retour sur la 35ème session nationale de l’Inetfp, le 8 décembre 2017 à l’ENA, qui a réuni experts et membres de la session.

L’épicentre du tsunami numérique ?

Depuis de nombreuses décennies déjà, le travail est impacté par des évolutions technologiques : industrialisation, automatisation, robotisation… Dans cette dernière décennie, la révolution tient à la multiplication quasi universelle des smartphones permettant à chacun de produire des données. Les besoins ne sont pas nouveaux, mais les usages se transforment au travers le numérique. Les principaux changements à venir sont une transformation en profondeur de l’emploi, un modèle de connaissance différent, qui sort des codes et demande une lecture différente de la connaissance collective, des aspirations nouvelles des salariés, plébiscitant des formes participatives et moins hiérarchiques.

Si l’ensemble du globe est impacté par le numérique, ses épicentres se situent principalement en Asie, dans une moindre mesure sur le continent Nord américain… et peu en Europe. Loin des représentations d’un monde léger empruntant la symbolique du cloud, le numérique n’est pas qu’un monde « soft ». Il bénéficie d’une infrastructure « hard », industrielle de premier ordre. Le numérique renforce la métropolisation. L’enjeu est ici celui de la régulation des liens entre les plateformes et les systèmes utilisateurs et une densification des compétences de conception et de gestion techniques, financières et d’ingénierie.

Entre innovation et régulation

Contrairement à l’Asie et aux Etats Unis, l’Europe n’a pas de grande plate-forme. Elle s’est donc centrée sur la réglementation des plateformes sur lesquelles elle n’a pas de bénéfice économique. Mais régulation et innovation s’opposent-elles ? Pour plusieurs chercheurs, la régulation n’est pas un frein à l’innovation. Le 25 mai 2018 est l’ultime date de mise en œuvre de la GDPR (General Data Protection Regulation) qui, en Europe, pose les cadres de la collecte des données. Il se peut que l’Europe devienne référence internationale positive sur cette capacité à considérer le droit citoyen et inspire ainsi le reste du globe.

D’autres formes de régulation autres que la Loi émergent. Changement, destruction d’emplois, des types de plateformes telles Uber réussissent car elles sont basées sur une déconstruction du salariat et l’optimisation fiscale. Mais des régulations inattendues apparaissent, par exemple par l’association des multiples indépendants qui comptent construire des droits collectifs et une capacité à négocier la tarification, les conditions d’emploi… Après l’innovation technologique et organisationnelle suit une innovation sociale.

Mieux poser les enjeux en distinguant emploi et travail

Du point de vue de l’emploi, la prospective pose qu’à l’horizon 2030, environ 10 % des emplois actuels sont vulnérables du fait de la révolution numérique… ainsi amenés à disparaître. Par ailleurs 50 % des emplois vont voir leur contenu profondément changer. Quelles nouvelles compétences numériques pour accompagner cette transition ? Enfin de nouveaux emplois émergent et sont déjà en tension : informatique et technologies.

L’emploi est soumis à régulation, le salariat et le travail indépendant sont les 2 modèles possibles d’emploi. Le salariat reste dominant, mais les transformations sont rapides et la manière dont on imagine aujourd’hui le travail de demain a évolué. Il y a 30 ans, la prospective pariait sur un complet développement du salariat. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les technologies transforment depuis toujours le travail, mais le numérique a contribué à l’accélération des évolutions technologiques. Des aspirations nouvelles émergent y compris dans le travail. Paradoxalement, chacun aspire à la protection (donnée principalement par le contrat) , et à la liberté (donnée principalement par l’entreprenariat individuel).

Dialoguer le numérique

« Le numérique est un phénomène révélateur des mouvements de l’entreprise qui avancent à bas bruit. »

Les mutations du travail et le contour des emplois futurs interrogent la question du droit du travail, la formation initiale et professionnelle, l’apprentissage des usages par les populations, l’éthique, la sécurité et l’inégalité des territoires. Comment mieux outiller le monde du travail pour répondre à ces interrogations ? Probablement en assumant un dialogue professionnel et un dialogue social, en donnant aux salariés des informations sur ces mutations… Le Conseil social et économique serait l’un de ces lieux de dialogue ? L’innovation est un facteur de développement ; le numérique pose un défi d’accélération, de multiplication des compétiteurs et de compression du temps. L’information, la formation et le dialogue permettraient ainsi de faire ce qui est essentiel : choisir.